20.11.07

Taking first class flights, we ride, we ride

Rien du tout.

Tout le monde sprinte sur le quai et j'emboîte le pas. Les grèves je m'en fous un peu mais je tiens à une place assise. Une demi heure debout, collé à tout le monde, sans pouvoir faire le quelconque bruit sous peine de se faire dévisager par tout le monde, ça va j'ai donné. Mission réussie, j'ai une place.

A quelle prix aussi hé. Devant moi, huit personnes d'une quarantaine d'années parlent (en alsacien), jouent aux cartes, rigolent hyper fort. Ils se connaissent tous entre eux et je me demande ce que je fous là. Je prends même pas la peine de sortir mon Porta Pro, c'est peine perdue, l'isolation est trop faible pour que je ne les entende plus. Désespéré, je regarde dehors, la nuit est déjà très dense et distinguer quelque chose du bout de ce quai est compliqué. Je regarde quand même, machinalement. En fait, coup classique, je regarde simplement le reflet de ces alsaciens, qui jouent, jouent et jouent, qui s'en foutent toujours plus de ceux qui les entoure.
Mais pourquoi il part pas ce train merde? Tout le monde se tasse et tout le monde s'énerve un peu plus, ça devient compliqué et moi aussi je commence à m'énerver.
40 minutes plus tard, une annonce qui nous demande de sortir et de prendre un autre train. Logique: tout le monde pousse des AH et des OH. J'en entends même un qui sort en marmonnant "pfff un train dans la journée et ils sont même pas foutus de le faire marcher". Quelle bravoure.

Premier bilan: Il fait froid, tout le monde est sur les nerfs, y'a un monde fou pour pas assez de wagon. Tiens, pourquoi ils sortent des parapluies là-bas? Ah! Il commence à neiger.
Conclusion du premier bilan: tout va bien.

Je m'écarte un peu de la foule. Un mec fume une cigarette à coté, j'hésite à lui en demander une puis me résigne. Je sors mon ipod, le porta pro, je fais défiler les noms sans arriver à me décider. Stevie Wonder *clic* Where I'm Coming From *clic* je tourne vers la droite jusqu'au 5ème morceau et *clic*

Stevie Wonder - If You Really Love Me

Sur les premières notes je pense à rien. Je regarde juste encore au loin voir si le train arrive. Quand la batterie rentre dedans je ferme les yeux et quand Stevie Wonder commence à chanter je regarde au ciel en souriant. Plus rien ne compte, je m'en fous des grèves, je m'en fous de pas avoir de place, je pourrais dormir là. Je pense à diane, que je vois quelques jours plus tard, je pense à nono, je pense au popotame, je pense à sa voix. Parfois je me demande comment ça serait si je n'étais plus avec elle et quand je repense à tout ça, je me dis que je serais certainement l'homme le plus seul au monde.

Le train arrive, je trouve une place tranquillement, trois filles s'installent autour de moi. Je coupe le morceau sinon tout le monde entend et je veux pas en rajouter une couche. Les trois filles , je leur donne allez, 16 ans. Un peu hippie un peu sportive. Quand je commence à écouter ce qu'elles racontent, je me rends compte qu'elles ont au moins 21 ans. Ah bon.

A nouveau rien du tout.

Le train part et tout le monde se détend. Le gang des trois filles et dominée par la plus pétillante d'entre elles, qu'on appellera Chloé, parce qu'elle avait une tête à s'appellera Chloé. C'est quoi une tête de Chloé? Allez vous faire foutre.
Chloé aime le mot "trop". A peu près dix fois par phrase ça revient. Tout est trop, à croire que rien n'est assez.

Ce mec est trop beau.
Ce mec est trop sympa.
Ce mec est trop bien foutu.
Son dos est trop parfait.
Sa maison est trop grande
Sa maison est trop belle.
Sa déco est trop bien.
Cette nuit blanche était trop géniale.
Le retour était trop dur.
Le fait d'oublier de lui demander son numéro de téléphone était trop horrible.
Trouver son numéro de téléphone était trop difficile.
Le recontacter était trop difficile aussi, puis trop bien encore.

J'aime bien l'écouter mais je me lasse vite de sa façon de parler et remet mon porta pro. Sur l'écran du ipod, du S au R, il n'y a qu'un petit tour.


R. Kelly - We Ride (featuring Cam'Ron, Noreaga, Jay-Z And Vegas Cats)

Cette chanson me rend triste dés le début, sans transition. Dix secondes après je suis dans la douceur. 1 minute après je suis pris dans la mélancolie.
Justement, à l'arrivée du refrain, je regarde au loin. Entre deux wagons, un peu moins de personnes que tout à l'heure, certains rigolent entre eux, d'autres tentent simplement de ne pas se faire remarquer en ne bougeant pas d'un pouce et en ne regardant personne. Je les regarde et je croise un regard. Pas un regard vraiment normal. un regard de femme triste. Le même que j'avais vu chez cette autre dans un bar. Elle était venue boire un Perrier en fin d'aprem et elle regardait dehors, d'un oeil très triste. Des mecs tentaient de la draguer et je me souviens très bien cette pulsion que j'ai eu de leur dire d'aller se faire foutre, juste avant qu'elle ne le fasse elle même. Puis son sourire gêné qui répond au mien, compatissant, quand je m'en vais.
Ici c'est la même chose, ce regard abattu. Abattu, exactement. Cette femme m'obsède. Elle doit avoir 30 ans je sais pas, plus peut-être. Elle est un peu marquée dans le visage, ça pourrait être ma grande soeur ou une tante hyper jeune. Pff je sais pas, j'ai juste envie de la consoler, juste envie de lui sourire doucement pendant qu'R Kelly chante "we ride we ride". La main sur l'épaule puis le câlin avec l'autre main qui frotte doucement le dos ou les cheveux vous voyez?
La gare d'Haguenau et la neige. Je sors du train tranquillement. Je marche sans grande hâte vers la maison. Ressort mon ipod, tourne encore un peu et


The Teenagers - Starlett Johansson

Je pense encore à Everlong des Foo Fighters, comme toujours, puis passe dans le parc. Je passe très rarement par là, plus depuis le divorce et le déménagement. Quand le refrain arrive, je relève mes épaules et la chaleur de mes poches m'adoucit. Je connais cet endroit par coeur, tous les réverbères tous les jeux pour enfants. Toujours ce regard en tête, impossible de l'enlever. Puis, comme dans les films, toutes les émotions, toutes les images qui défilent très vite, le deuxième refrain du morceau, la neige qui tombe encore, les voitures ne semblent plus faire de bruit et je pleure.

4 Commentairess:

Anonymous Anonyme said...

Merde. La même hier, exactement la même. J'ai passé 5h dans des métros et des trains et sur des quais blindés à regarder les gens, leur regards vides ou leur façon de râler contre les grévistes, à n'en n'avoir rien à foutre de rien, ni d'attendre à Austerlitz pendant deux heures et demi ni de n'avoir pas de place dans le train, et sourire toute seule en écoutant mon mp3, mater le ciel en me repassant les évènements des dernières 24h, et le morceau sur lequel la combinaison de tout ça a été complètement film et parfaite c'est Mourning morning de Just Jack.
Du coup je le réécoute là et avec ton post en plus je suis toute émouvue.

16:04  
Blogger Cécile B. said...

Je ne connais pas les grèves, j'ai pas encore de neige et je n'ai pas du tout écouté les même morceaux que toi ces dernières 24 heures. J'arrive juste à comprendre le sentiment hyper bizarre qu'on a dans les transports en commun, bref tout ça pour dire que cette note est géniale. J'ai les yeux qui picottent.

23:32  
Blogger Olivier said...

Même si je lis régulièrement ton blog, je ne poste jamais de commentaires...
Mais là j'ai particulièrement aimé ce que tu as écrit et le morceau de Stevie Wonder est fantastique.
Merci donc.

01:12  
Anonymous Anonyme said...

Bon, ça va faire près d'un an que je te lis, tu écris de mieux en mieux, vraiment.

Ps: heuresement que j'ai echappé à la grève ce mois ci...
Et puis j'ai connu la bande qui joue au cartes, mais en picard :) :) :) tu te souviens cette conversation qu'on a eu en picard/alsacien.. IMAGINE LES 2 BANDES ENSEMBLE DANS UN TRAIN
Voilà bref bisous

23:48  

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