18.7.07

Les talons, les fesses, les plateaux d'argent


Aaaaah, les Eurockéennes.
Ah qu'est-ce que ça m'avait manqué, ce doux festival.
Ahlala.

Recadrons les choses, belle fête la veille, au point où je dégueule presque (ce qui ne m'arrive jamais) et 4h de sommeil plus tard, je me retrouve dans le train direction Belfort. La gorge sèche, comme si des millions de petites bactéries aspiraient ma salive. C'est un dimanche en début d'après-midi, le moment logique pour se reposer, être chez soi et je sais pas, regarder des épisodes de Dirt ou repenser à ses relations avec ses amis, ce qui va, ce qui ne va pas. Boire de l'eau, peut-être faire quelques abdos pour soulager sa conscience de toutes ces bières si bien blotti dans ma vessie hier soir.

Et bien non.
Dimanche, 14h, je suis à Belfort, il pleut, ma carte vient de se faire avaler par le distributeur, je mange un kebab pourri devant la gare. Mon estomac menace de se retourner et j'ai l'impression que mes jambes pèsent 60 kilos chacune.
Bien sûr, la navette, l'endroit rêvé des misanthropes. Tout le monde sur tout le monde, les clopes, la bière, la chaleur, les cris, les discussions sans sens et mon regard qui se perd entre toutes ces personnes. Toujours cette question qui tourne: qu'est-ce que je fais là?

En fait jusqu'au début des concerts, je me demanderai ça. Je n'arrive pas à prendre part aux blagues, même aux conversations, je me sens mal, je suis fatigué, j'ai juste envie de chaleur, de douceur, de calme. Pas de blagues de cul et de cubi de rosé qui vole d'une personne à une autre.
Et puis bon, on rentre dans le festival, j'ai tellement la tête ailleurs que je ne m'en rends pas compte. Je donne le ticket machinalement, comme si je prenais le train. Aucune excitation, aucune joie, aucune nervosité. J'ai l'impression d'être vide, transparent.

En théorie j'aime les gens, enfin j'aime leurs tics, leurs passés, leurs regards, leurs dictions, enfin vous avez compris. La foule ne me fait pas vraiment peur mais c'est pas tellement pour moi en fait. C'est très beau à voir et à observer, là je parle en photographe mais en être humain ça m'ennuie.
Tv On The Radio, Klaxons, des trucs pourris. Les concerts s'enchaînent mais je ne suis toujours pas dans l'optique festival: le regard vide, je suis un simple spectateur et j'essaie de profiter sans trop de conviction.
Ça me joue d'ailleurs des tours.
Tryo sur la grande scène et je suis coincé là, à attendre d'autres personnes qui cherchent à manger. Je ne fais pas attention, je regarde à droite à gauche et j'entends même pas la musique. J'essaie de me concentrer sur les écrans mais ma vue se trouble vite. Et puis je commence à bouger la tête. Sans m'en rendre compte. Et la chanson se termine et j'applaudis. Sans m'en rendre compte. Et une autre commence et je commence à bouger. Sans m'en rendre compte. L'hypnotiseur fictif claque des doigts et je me réveille d'un coup, me demandant ce qui m'a pris. Envahit par la panique, je pars presque en courant.
Ça se finira sous la pluie à toucher les étoiles, tout ça pour une bien belle otite quelques jours plus tard.

Enfin c'est pas pour autant que je vais me mettre en arrêt maladie. Non non, surtout qu'à ce moment il me reste deux jours de travail et que je tiens à finir sans détour. C'est donc la tête haute que je vais travailler samedi, dernier jour. Je m'attends à quelque chose de spécial, je sais pas, un regard plus particulier, mais rien du tout. Il y a du monde partout et entendre les touristes allemands me dépriment direct. Ouais ouais ok "c'est ton dernier jouuuur" mais vous savez comment ça. Plus la fin est proche, plus c'est long.
Je passerais ma journée à regarder les clients d'un oeil extérieur, ceux tentés d'être les plus désagréable possible se heurteront à mon regard moqueur et à mon sourire en coin. Peu habitués à cette vision, je les verrais se brusquer puis partir du magasin. Ahahahah mais quelle jouissance. Encore plus puissante que de les insulter directement. Je reste concentré dans mon travail, par respect pour mes collègues et ma patronne mais ces connards peuvent aller se faire foutre.
Oui, du respect pour eux. Enfin je sais pas, on me pousse à "faire un pot de départ", belle hypocrisie mais je ne recule pas. En fait j'ai le discours du mec d'American Beauty, à la fin, quand il est mort, quand il explique qu'il ne ressent aucune haine, envers personne. J'achète des bières, reviens au travail avec le sourire. On s'installe derrière, aux poubelles et peu à peu, cette espèce de proximité s'installe. Nous, sur nos bancs aux plastiques, le regard commençant à se troubler devant ces canettes d'Heineken, ces deux filles qui me disent qu'elles vont me regretter et blablabla. Je n'en crois pas un mot mais je trouve ça assez touchant qu'elles le disent. La sensibilité augmente avec l'alcool, vous le savez bien.
Puis, quand je sors définitivement, je marche un peu tout seul, sans musique encore, m'arrête le temps de prendre une cigarette que je mets doucement en bouche. Le briquet en main, je regarde les réverbères, les fenêtres allumées aux étages des immeubles, le ciel bleu nuit, j'allume la cigarette, tire une grosse latte, mets What's going on de quivoussavez et sourit. C'est marrant comme ce morceau peut me rendre heureux quand tout va bien et comme il peut me rendre triste quand ça va pas. Dieu merci ça allait. Dieu merci ça va toujours.

D'ailleurs j'ai un tas de projet. Un tas d'achat à faire. Tout est très compliqué et très limpide en même temps. J'ai cette faculté depuis tout petit: m'embrouiller alors que tout est simple, mais je crois que ça se travaille, tout simplement. Comme le fait de savoir garder la tête haute dans les moments durs, ça s'acquiert, j'ai pu le vérifier plus d'une fois ces dernières années. C'est pour ça aussi que je ne me fais pas vraiment de soucis quant à l'avenir. Quand quelqu'un va mal, je lui dis toujours que ça va aller. Pas parce que c'est démago, pas parce que ça lui remonte juste le moral mais parce que j'y crois, vraiment. J'ai ce regard ridiculement intense à ce moment, comme dans les films, la main sur l'épaule et le petit rictus de la bouche "t'es bon j'ai confiance". Et ça marche non? Enfin quand on me le fait j'y crois à fond, j'ai vraiment envie d'y arriver parce que je sens que des personnes ont confiance en moi, ce qui me permet de renforcer la mienne.
Et j'adore ces moments! Ceux où on est vraiment en confiance (qui est le maître mot apparemment). Pas la confiance forcément arrogante mais justement, celle digérée où on regarde les autres évoluer avec plaisir. - Ouais au fond je dois être un gentil garçon- . J'adore cette paix intérieure qui nous envahit, comme ce dimanche où je m'allonge presque nu au soleil en écoutant toujours Marvin Gaye, où l'herbe me chatouille et où une très légère brise me berce. Je m'endors d'ailleurs presque en me sentant en accord avec ce qui m'entoure. Chaque mot me touche, chaque chanson est décuplée d'intensité, chaque coup de caisse claire semble glisser sur le gazon, comme un galet sur l'eau.
Bizarre que je me sente bien dans ce moment par ailleurs, ça ne me ressemble pas le coté nature/Ushuaia/Nicolas Hulot/Tahiti Douche mais quand je m'étire en me "réveillant", je suis parfaitement détendu (chose rare). Pour un peu je creuserai presque un trou dans la terre pour la niquer (ouais en fait non).

Et qu'est-ce que je dois conclure? Que je peux évoluer dans un milieu qui ne m'intéresse à priori pas du tout? Que mon avenir n'est pas forcément celui auquel je crois maintenant? C'est-à-dire un milieu artistique, créatif? Bon pour l'instant impossible de m'en persuader mais hey, "la vie c'est un labyrinthe, pas un 100 mètres".

Marvin Gaye - Distant Lover

Lil' Wayne - Be Me
Bill Withers - Just The Two Of Us
MC Leozinho - Ela so pensa em beijar
Red Hot Chili Peppers - Knock Me Down
Jimi Hendrix - Come On (Part 1)
Stevie Wonder - Summer Soft
Devin The Dude - Broccoli & Cheese
The Cure - Six Different Ways
Boys Noize - Arcade Robot (promo)