25.3.07

J'vous préfère en uniforme



Crédit: Brice


Je ne sais vraiment pas pourquoi je suis toujours autant attaché au passé. Pourquoi je suis tellement nostalgique. Un psy me dirait que j'ai manqué de quelque chose, ou manqué quelque chose pendant mon enfance, je lui donnerais son argent et partirais en me disant que c'est des conneries.
Oui parce qu'au fond je n'ai jamais manqué de rien. Tout l'attirail essentiel du petit gars était là: j'étais libre, je grandissais avec mon frère et mes potes, je traînais en faisant du roller, je draguais des filles, je faisais des boums.. Enfin aucun réel manque ne se faisait ressentir, pas de truc qui m'empêchait de vivre.

Ces derniers jours sont marqués par l'achat d'un dd externe, la disparition du "espace disque faible" et la libération totale. Qu'est-ce qui va avec un achat comme celui-ci? Le téléchargement massif. Je cours après tous ces albums qui ont marqué ma vie et que j'ai perdu en soirée, pendant un déménagement, qui sont rayés ou pétés en deux.
Il y a a tous ces albums de punk, des Rancid à NOFX. Il y a tous ces albums de rock, des Smashing Pumpkins au Red Hot. Il y a tous ces albums de musique électroniques, d'Autechre à Radiohead. Il y a tous ces albums de jazz, de Miles Davis à l'Art Ensemble Of Chicago. Il y a en a encore trop.
Il y a toutes ces heures passées à la fnac de Strasbourg, à rechercher des albums impossibles à trouver, à se sentir bien dans ce cadre immaculé, à écouter n'importe quoi, à lire n'importe quoi aussi. Il y a toutes ces heures passées à lire les magasines sans vraiment écouter les conseils des chroniqueurs. Il y a toutes ces heures passées à la médiathèque, à laisser sa main se dérouler sur les boites de cd et en piocher un au hasard. Regarder la pochette et décider. Et tout le reste: les Fluide Glacial, les Freak Brothers, les Calvin, les Pieds Nickelés..

Quand je réécoute White Trash, Two Heebs and a Bean, ça n'est pas un frisson qui me parcoure, c'est une décharge. C'est étrange cette faculté d'enregistrer les images par la musique. De se rappeler de situations insignifiantes parce qu'on avait écouté une chanson juste avant.
Je connais encore cet album par coeur, le moindre coup de caisse claire, le moindre solo de guitare. Je revois la cassette, achetée amoureusement (pas ma première, le premier truc musical que j'ai acheté c'était le maxi Roots Bloody Roots de Sepultura) que je glissais dans mon walkman. Mes casques toujours pétés, airwalk aux pieds et les hauts Liberto, Rip Curl, Quiksilver, Rusty.. Enfin la frime de l'époque. Les longs trajets en voiture à visualiser les parties de batteries, à les imaginer dans leur quotidien, à essayer de comprendre les paroles.

La plupart des morceaux qui m'ont vraiment marqué me reviennent tout le temps en ce moment. Je suis là, au travail, bien habillé et bien coiffé, les mains dans le dos en alliant sourire et accueil et d'un coup j'entends Joey Ramone qui gueule "NOW I WANNA SNIFF SOME GLUE". D'autres fois j'encaisse tranquillement une cliente et j'entends Tim Armstrong chanter "I WAS SO FULL OF SCOTCH I COULD NOT STAND UP".
Les seuls moments où les doux accords mineurs me caressent les oreilles, c'est quand je sors fumer une cigarette, au calme. Toujours ce refrain de Tom Waits "She's my coney island baby, she's a princess in a red dress", toujours ce sourire mêlé à de la tristesse, toujours cette balance sentimentale étrange. Toujours Diane.

Une semaine de vacances arrive, Paris, une semaine. C'est vraiment la seule chose qui me permet de tenir en ce moment. Ce boulot me pourrit chaque jour de plus en plus. Je ne sais pas si c'est ces chansons sont un appel ou quelque chose, si ma conscience me dit ouvertement que je n'ai rien à faire ici. J'aime le penser en tout cas.
La bonne nouvelle c'est qu'à partir d'août je devrais commencer à bosser dans un studio photo à temps plein et en CDI.

Television - Guiding Light
Roxy Music - Ladytron

Danger Travail Partie 1
Danger Travail Partie 2

"La société a les parasites qu'elle mérite"

14.3.07

06 09 499 - 9 - 9 GRATE MOI L'OEUF


Crédit: Brice


Au moment où je le ressors, j'ai des frissons. Je le tiens, un peu hésitant, je prends l'objectif d'une main, fais tourner machinalement la bague de mise au point. En approchant le viseur de mon oeil, ma tête commence à tourner. Quand je regarde à travers ce bon vieux D70, je me sens renaître.

J'avais laché la photo, un truc déconnait, m'empêcher de vraiment pouvoir m'en servir. Et puis le travail du matin au soir, le quotidien, le manque de temps, l'oubli. Et puis les yeux se rouvrent, un declic revient, de plus en plus fort, une claque dans la gueule. Je le ressors, j'ai des frissons.

Depuis, tout repars. Enfin mon temps ne me parait plus aussi vide qu'avant, je me sens moins inutile, retrouve des sensations passées. Je retrouve également cette voix qui me guidait, qui, aux croisements des rues me disait d'aller à droite ou à gauche pour trouver un truc bien. Je retrouve l'oeil, je retrouve les cadrages. Je suis encore loin de ce que je voyais avant mais je m'en rapproche à grands pas.


- Vous avez vu, je fais pleins de phrases courtes pour bien montrer mon enthousiasme -

Enfin justement, cet enthousiasme m'entraine vers un réel désespoir quant à mon travail. Chaque jour qui passe, chaque Frontin' qui me réveille sur mon téléphone me désespère encore plus. Quand je suis là-bas, que j'arrive, que je descends en réserve poser ma veste, j'ai envie de pleurer. Je ne sais plus ce que j'y fais, pourquoi je suis là (à part la thune j'entends). Je bosse de moins en moins bien et je suis toujours mort de fatigue. Je ne fais plus vraiment d'effort pour camoufler ce que je ressens, mon rôle d'acteur s'effiloche au fur et à mesure des secondes. Mon vrai visage apparait et ça me rassure autant que ça m'effraie.

Je cherche donc du réconfort, tant bien que mal, où je peux. La photo me rassure vraiment, mes amis me soutiennent et Diane est toujours là mais je sentais qu'il me fallait autre chose.
Mon magasin est à coté du Virgin. Souvent j'y traine à la pause, cherchant tel ou tel vinyl ou tel ou tel DVD, juste comme ça, j'achète rarement. Juste pour me dire: "ah cool ils l'ont". Sûrement aussi pour retrouver des parcelles de moi-même dans ces moments où je n'ai pas à jouer quelqu'un d'autre.
En sortant du magasin ce soir, j'ai vraiment le moral à zéro. Jambes niquées, les yeux rougis par ces baillements incessants. Du temps avant le train alors le Virgin.
Au détour du rayon des classiques du cinéma français (qui me fascine toujours parce que je n'en ai vu presque aucun), je vois une petite caisse maladroitement posée sur une table. Je m'en approche et mon coeur se soulève quand j'aperçois ce qui m'apportera ce réconfort qu'il me manquait.
Des petits Gizmos en peluche sont posés, là, partout dans la caisse. Mon coeur se soulève à nouveau quand j'en vois avec le bandeau rouge.

- Parenthèse: J'ai jamais été un grand fan des Gremlins. Comme tout le monde je l'ai vu une dizaine de fois et ça s'arrête là. Gizmo m'a toujours fait fondre mais jamais j'aurais eu l'idée d'en acheter un petit. Sauf que là, LA, IL Y A LE BANDEAU ROUGE. Vous voyez, dans le 2, quand il a trop téma Rambo et que, pour niquer les Gremlins il met le bandeau et les attaque en courant tout vite avec ses petites pattes? Ca a toujours été ma scène préférée des Gremlins et quand je les vois tous là, j'ai envie de crier de joie. -

Lequel choisir maintenant? Mine de rien ils sont tous différents. On dirait qu'ils ont fait exprés de les faire avec des regards, des poils différents, c'est hyper etrange. Je m'agenouille et les regarde un à un sous toutes les coutures. Non pas celui-là, son regard est niqué, non pas celui-là on voit même pas ses yeux. Au fur et à mesure je désespère d'en trouver un qui me trouble.
Je me relève, hyper triste. Je change de chanson sur mon ipod puis regarde à nouveau dans la caisse. Une petite paire d'yeux est cachée en dessous du Gizmo au regard niqué. J'écarte le mongole et souris. C'est lui. Exactement. Regard malicieux, sourire coquin, bandeau parfait. Je le sors et mon coeur bat comme si j'avais 6 ans à noël.
Je fonce en caisse pour le payer et la caissière me dit: Aaaaah c'est celui qui chante?!
Moi, curieux et intéressé je lui demande s'il en reste, je vais me renseigner chez celle qui s'occupe du rayon, elle regarde dans son ordi, je tiens Gizmo dans ma main droite, contre moi, elle clique partout, je sers Gizmo plus fort, elle me regarde, Gizmo étouffe, me fait un "non" de la tête avec l'air tragique, Gizmo respire et sourit. Je file en caisse, dévalant les escaliers 4 à 4, repose Gizmo sur le comptoir, explique à la caissière la fameuse scène de Rambo (elle m'a limite forcé parce que ça me gênait un peu, bien entendu), paye, lui demande d'enlever ces étiquettes pourries et sors.

La douce brise mêlée aux lumière des réverbères réveillent mes sens. Gizmo avec moi, je souffle, la vie continue.

Gizmo va se coucher, il est fatigué. Dis au revoir Gizmo.



" Au revoir "


Soulwax - Miserable Girl (Shinichi Osawa Extra Hard Edit)
Fragile On The Rocks - La Vie Continue

2.3.07

The Dancer



Allez, un truc positif, ça va calmer le jeu.

A coté de mon travail, il y a un professeur de danse.
Un homme hyper, comment dire, dingue. Enfin je pense qu'au fond de lui il se sent artiste et que ça lui monte au cerveau. Il a de grands yeux bleus, qu'il concentre sur toi. Quand il te parle tu as l'impression qu'il te fixe intensément et qu'en même temps il observe tout ce qui passe autour. Tu as l'impression d'être sur un bateau qui tangue parce que tu as du mal à soutenir son regard. Tu as l'impression d'être très important. C'est très etrange.
C'est un vieux client parait-il, mon patron le connait bien parce qu'il lui a fait plusieurs avances, en vain. Ouais parce qu'apparemment, ce mec serait de la jaquette.

Enfin bon, d'habitude je le croisais devant le magasin pendant une cigarette, on se parlait rapidement, il me faisait le coup du regard, je me sentais comme Tintin dans Les Cigares Du Pharaon quand il se fait hypnotisé par le fakir fou qui est le boss d'une secte genre KKK génération violette vous savez.

Lui là:


(Bon là il le drague habilement genre "je squatte sur des pointes j'ai pas mal t'as vu et en même temps je te flatte en te faisant passer pour Indiana Jones pour te pécho").

Bref, ce professeur je le croise, on parle un peu, je le trouve toujours un peu drôle et bizarre et puis il part.
Samedi dernier on a passé un cap. Il est venu à 18h45 (le relou) acheter des chaussures. Je le vois entrer, mon patron le voit entrer et il me glisse avec un sourire en coin d'aller le servir. Mmmmh. Je descends, il regarde un peu tout, je lui fais le classique "est-ce que j'peux vous renseigner?" il me dit qu'il veut essayer cette paire, cette paire, cette paire, cette paire ah et tiens, cette paire. Je l'oriente vers les chaises et il me fait discrètement une belle grimace de dégoût en m'indiquant d'autres personnes qui essaient des chaussures à cet endroit. Il prend donc tout et va s'asseoir sur les escaliers. Je le regarde, amusé. Il essaie, il marche avec, sautille un peu, me parle très fort de l'autre bout du magasin, se rasseoit, me fait des confidences en chuchotant.. Je joue le jeu, je suis pas du genre à remballer ce type de personnes, je les laisse s'afficher et rechercher la reconnaissance dont ils semblent avoir besoin. Il prendra finalement deux paires pas mal et rentrera chez lui tranquillement après une petit blague bien placée sur Prince.

Aujourd'hui je fume une cigarette devant la vitrine avant de commencer. J'ai un peu l'esprit d'entreprise maintenant vous voyez, je regarde comment sont placés les produits, si les prix ne sont pas trop élevés, si les modèles sont vendeurs, si les distances sont bonnes, si les couleurs et leurs rappels sont bons et ce genre de choses.

Note: Il faut toujours prendre un air très concentré quand vous faites ça, ça impressionne un peu les passants (genre "waow il travaille là c'est cool et il a l'air de s'y connaitre, t'as vu comme il observe la vitrine, ça doit être un vrai pro de l'aménagement et de la déco, j'aimerais bien qu'il vienne décorer mon appart) et ça fait plaisir aux patrons qui vous observent du coin de l'oeil dans le magasin (genre "waow il s'intéresse vachement en fait Brice, t'as vu?").

Bref je suis là avec mon air ... très concentré donc et je vois quelqu'un qui s'approche de moi. Le temps de tourner le regard, je vois des cheveux hirsutes et de grands yeux bleus.
Le prof de danse.
Je lui tends la main avec un sourire, il tend la sienne en ouvrant tout grand ses yeux d'un coup. Le bateau tangue et il garde ma main dans la sienne. Il me parle et j'entends sans écouter. Je regarde ma main, prise au piège, avec un air un peu gêné. Ce moment doit durer 5 secondes et ça parait ridicule mais faites le test, allez tenir une main d'un inconnu pendant 5 secondes, vous verrez que c'est bien plus bizarre qu'il n'y parait.
Il retire sa main lentement, en faisant mine d'avoir involontairement effleuré mes doigts et me demande des trucs sur moi. Si je suis là tout le temps, si je suis encore en cursus scolaire, qu'est-ce que j'ai fait avant etc. Il a l'air passioné et commence à me raconter qu'hier il était en soirée étudiante (je souris intérieurement en l'imaginant à la Salamandre autour d'étudiants pleins de gel et de jeans patte d'eph' délavés) et il me parle des filles de la soirée:

"Ahlala, c'était plein de putes de 15 ans qui avaient ces chaussures là * il me montre des escarpins en vitrine* Des petites pétasses, hyper vulgaire tu vois, des futures salopes quoi"

Je le regarde en souriant, toujours en train de l'imaginer au milieu de tout ce bordel et je confirme ses dires. Ouais hé, on est en Alsace, grosse blonde, bière Fischer, flammekueche, Fête du Houblon et voir des bourrelets de graisse qui débordent d'un escarpin, c'est pas le truc le plus glam du monde quoi.
Il continue à me parler de la vitrine, des modèles qui marchent et puis il repère les ballerines. Alors je le vois hésiter entre l'énervement et la critique amusée. Il choisit la deuxième option en me disant que ça n'a rien à voir avec les vraiiiies ballerines de danse, que c'est pourriiiii, que faut vraiment pas s'y connaitre pour acheter çaaaaa..
Moi bon, un peu curieux de nature (et pour faire la conversation aussi) je lui demande la différence.
GRAVE ERREUR.
Il me tient maintenant, il peut me parler pendant X temps d'un truc qu'il connait par coeur et peut en plus m'hypnotiser de plus belle.
J'ai direct envie de retirer ce que je viens de dire mais bon il est déjà parti dans une explication.

Et quelle explication.
Il se met sur la pointe des pieds, en plein centre ville, il me dit "tu vois, sur les vraies ballerines il y a de la place au bout pour pouvoir être à l'aise quand on fait des pointes" il commence à partir en couille genre arabesque parfaite devant tout le monde et moi je suis là à coté avec un regard "mais sauvez-moi, poussez le, faites le tomber je sais pas" et puis tout s'ennivre, il lève les bras, tourne sur lui-même TOUT EN GARDANT SON REGARD SUR MOI (j'ignore toujours comment il a fait), il se penche, se relève brusquement, se dresse comme un I, refait des arabesques. Des personnes commencent à s'arrêter, croyant sûrement à un spectacle, ça commence vraiment à devenir improbable.

Il s'arrête d'un coup en disant: ouiiii c'est sûr que des gens comme ça (traduisez: de vulgaires cons) ne comprennent rien à ce que je fais.

Après une dernière toupie, il me laissera finalement sain et sauf (en me retenant la main une bonne dizaine de secondes cette fois-ci) et je resterai là, un petit moment, à la regarder partir, hésitant entre le génie ou la folie. Une bascule très importante et que j'ai beaucoup de mal à faire pencher d'ailleurs. Je reste encore sur le milieu, un faux milieu peut-être, comme Bayrou. Milieu qu'on appellera délicatement le gélie.

Selon les dernières news people du magasin, le fils de pute du nord "lo caisse elle morche po" va revenir dans les jours qui viennent, du matos pour un prochain post, stay tuned.

Monseigneur Mike - Rookie de l'Année

Bone Thugs-N-Harmony Ft Akon - I Tried