24.12.06

Des cheveux comme des Churros


Magnifique



Ok bon j'ai un travail.
En théorie je devrais sauter au plafond je sais pas, faire quelque chose qui montrerait mon enthousiasme au moins, mais rien.
Rien quand on m'appelle pour un entretien.
Rien quand je passe l'entretien et qu'on me dit "bon on va sûrement vous prendre".
Rien quand on me rappelle le lendemain pour me confirmer ces dires.

J'ai été assez surpris d'ailleurs. J'étais malade le jour de l'entretien et j'avais peu dormi. Le mec me balançait pleins d'infos sur les heures, ce que je devrai faire, ce qu'il veut pour le magasin, comment il faut s'habiller et je me contentais de le regarder, les yeux dans le vide, en pensant à autre chose.
Pourquoi? Je sais pas, ça ne me ressemble pas tellement d'être aussi pourri à un entretien. En théorie je raconte n'importe quoi (comme sur mon CV d'ailleurs) et j'essaie de me vendre au maximum. Là, rien, juste des mots qui survolent la pièce.

Alors voilà, vendeur. Vendeur. Je vais vendre des trucs. Ca me dépasse totalement.
Il y a quelques années, je bannissais tous ces trucs de vente, de commerce. Le mode "sourire declenché-j'peux vous renseigner?-sourire-replier tout ce que les clients deplient-sourire", c'était vraiment le piège à cons pour moi et me voilà dedans.

Quand on me dit qu'on doit s'habiller assez classe pour le magasin, mon sang ne fait qu'un tour et je me vois déjà avec de nouvelles tenues. La magie de noël c'est ça, on a tout d'un coup. Avant on détestait recevoir des fringues pour noël hein? Quelle honte auprès des potes.

- T'as eu quoi toi?
- Un vélo et une mégadrive, et toi?
- Des pulls.

MEGA HONTE QUOI. Autant dire "des slips", ça revenait au même.

Aujourd'hui je suis plus qu'heureux lorsque ma mère me dit "bon va t'acheter ce que tu veux pour le boulot". Polo Lacoste, pull Burberry, chemise Ralph Lauren, Court Force.
Quelle bonheur d'aller à la caisse sans remords, sans se ronger les ongles en pensant aux conséquences des achats compulsifs.

Tout semble très fluide depuis. Les soucis d'argent s'envolent, les soirées s'enchainent, à chaque fois plus violente, les bras sont toujours plus haut quand passe Walking Away dans ce nouveau bar.

Ah oui tiens, le nouveau bar.
Haguenau, 40 000 habitants, toute ma vie. Ville endormie, enfermée dans quelques bars caractéristiques:

- Celui où il faut écouter du reggae, avoir des dreads, voir jusqu'à dégueuler tes intestins une bière qui sent la pisse.
- Celui où il faut une chemise blanche ouverte jusqu'aux oilpés pour rentrer. Cacahuètes sur la table et blondes fades.
- Celui où les cas sociaux se donnent rendez-vous, généralement appellé PMU ou "bar de merde" par la majorité.
- Celui qui fait un peu boite allez, où les 35/40 ans se donnent rendez-vous fidèlement pour défoncer la piste sur ce bon vieux Sardou.
- Celui qui est super dégueulasse, où on peut boire et danser sans problème, où on demande au DJ les Beastie Boys et Booba et qui accepte sans rechigner.

Justement, ce dernier a fermé. C'était pas vraiment notre truc de référence mais quand on voulait faire les cons, on y allait, ça coulait de source.
A son rachat, les rumeurs vont bon train: PARAIT QUE C'EST UN BAR DE PEDES! PARAIT QU'ILS ONT INSTALLE UNE SONO DINGUE! PARAIT QUE Y'A UN MEC DEGUISE EN ELEPHANT QUI MANGE AVEC SON SEXE.

Ce genre de choses en somme et quand on arrive devant, nos yeux s'ecarquillent, le coeur bat plus vite.
Un nouveau videur, le sas, on rentre. Le velours rouge a remplacé les tâches de vomi, les dessins accrochés aux murs ont remplacé cette vieille fresque immonde et les tâches de vomi, les tabourets rembourés ont remplacé les pourris du bar et les tâches de vomi, l'étage et sa moquette moelleuse ont remplacé les canapés en zebre et les tâches de vomi. Je suis comme un ado qui regarde son premier porno, je redécouvre tout avec une certaine passion. Le "DJ" (casquette orange pliée, bouc, t-shirt vintage, jean délavé, asics défoncées) passe Girls Just Want To Have Fun et je me sens bien.
Les complications apparaissent plus tard quand on se rend compte que c'est vraiment un bar de gay et que ces tableaux aux murs représentent des corps nus d'homme en train de d'enlancer. Hmhm. La musique devient énervante au possible, je reviens 6 ans en arrière quand je découvrais avec effroi la musique des boites discount.
Je dis pas, je suis super ok pour Ibiza et tout ce truc Satisfaction mains en l'air, mais ça allait trop loin. Ce soir-là également, les frontières explosent. Personne ne danse mais le DJ s'acharne à passer ses compilations Thunderdome.
Le rythme de nos coeurs s'accélère quand Cascada, Diddy ou Furtado pointent le bout de leurs nez, mais ces moments d'intensité ne seront que trop court. L'alcool est partout, bière whisky vodka baileys... Tout s'enchaine et des tournées générales nous redonnent le sourire. Une danseuse agite son gagne pain sur le bar et on est hypnotisé. Alcool, musique, petites fesses. J'ai l'impression d'être le pire des beaufs mais mon regard divague plus qu'autre chose. Mille pensées s'entrechoquent. Je prie pour entendre n'importe quoi de Prydz. Le remix de California Dreamin', un verre dans chaque main, sentir qu'on ne peut plus se concentrer, 5h du matin.
Les jambes coupées, une dernière cigarette dehors fait office d'au revoir. La nuit est gelée mais la bouillote au fond de mon lit me fera dormir avec le sourire.

Jenny Wilson - Bitter? No, I Just Love to Complain

Casco - Cybernetic Love

12.12.06

Me demande pas c'que j'fabrique, je te répondrai n'importe quoi


4h45, mon réveil qui sonne.
En temps normal je l'aurais éteint, puis je me serais rendormi.
Si j'avais eu des obligations, j'aurais remis l'alarme plus tard, puis je me serais rendormi.
Si j'avais du me réveiller vers 5h30 et que je l'avais programmé à 4h45 pour assurer mon coup, j'aurais éteint l'alarme toutes les dix minutes en me rendormant à chaque fois entre ces courts laps de temps.

Mais pas cette fois-ci. Je l'éteins, je me lève. Il fait nuit noire, en me frottant les yeux comme un petit garçon je m'imagine dans la rue, rentrant encore saoûl d'une soirée passée à, je sais pas, danser, lever les bras, fermer les yeux, sourire, rigoler, commander au bar. Je deprime d'un coup et je décide donc de chasser cette vision de mon esprit.
Petit déjeuner etrange, je ne sais pas vraiment si je vais aller me coucher ou si je viens de me lever. Il faut dire que j'ai mis du temps à aller me coucher, trop passionné encore une fois par Thunderblot And Lightfoot, puis du temps à m'endormir, trop passionné par l'insomnie.
5h, pas de toilette, départ en voiture. Inventaire.

La pluie bat le pare brise avec force et une fois arrivé sur les lieux, je vois une longue rangée de personnes adossés contre le mur du Leroy Merlin. Tels des futurs fusillés, ils sont là, droit comme des i, à fumer comme des dingues, comme si les dernières minutes de leurs vies avaient sonné.
Je sors capuche sur la tête et je passe devant mes "collègues de travail". J'ai l'impression que tous les cas sociaux de la ville se sont donnés rendez-vous au même endroit pour une fête. Ils sont tous là, on les connait tous de vue, c'est super flippant.
5h30, après quelques minutes d'attente, je commence sérieusement à me demander ce que je fais là, sous la pluie, dans la nuit glacée, à attendre pour gagner une misère et finalement je me ressaisis, je transforme cette misère en aller retour pour Paris et le moral remonte.

Tout le monde fume, putain c'est horrible. Ok je suis un bon fumeur, je suis pas trop du genre à pinailler, mais j'ai jamais compris ceux qui savent résoudre sans problème la relation "Dring réveil - briquet - clope". Je comprends pas. Expliquez-moi je sais pas. Pourquoi bousiller directement le seul moment à peu près sain de la journée? C'est exactement comme se lever et écouter un truc de death metal, ou se réveiller chez sa grand-mère qui a mis RTL à fond parce qu'elle est à moitié sourde. L'horreur absolue.

Les minutes passent à une lenteur exaspérante et je cherche n'importe quoi pour m'occuper après avoir regardé les habits de tout le monde, leurs coupes de cheveux, leurs parapluies, les locaux extérieurs du magasin, le parking, les voitures garées, la transparence des gouttes de pluie dans la lumière des réverbères. Je ne sais plus quoi faire, une heure est passée, il est 6h30. Je commence à avoir envie de mourir. Mes pieds sont congelés, tout le monde tremble, tout le monde se plaint (ah oui tout le monde se connait aussi, j'ai trouvé ça etrange et l'éventualité d'une réunion de cas sociaux fut finalement bien probable).
Arrive la nana de l'agence d'interim, elle fait l'appel. Je n'ai jamais trop aimé les premiers appels, c'est toujours la bonne occasion d'écorcher mon nom de famille mais etrangement, elle s'en sort très bien et j'acquiesce à cette question qui me glace le sang "vous vous mettez en rang s'il vous plait?". L'école défile devant moi et malgré le coté désagréable - et compréhensible - de la chose, je souris en repensant à quelques conneries faites.
On rentre finalement dans le hall, vestiaire.

Les explications. Alors ouais, là les KINGS débarquent. Et vas-y que je me la raconte avec mon gros CDI et mon petit bouc à la con, MA voiture que j'ai payé avec MON argent régulier. Ils sont là à rouler des mécaniques (j'adore cette expression) avec leurs gilets Leroy Merlin et ça vire vite pathétique (il est difficile de pratiquer le second degré, le recul, ce genre de choses à 6h du matin après une heure dans le froid et sous la pluie). On doit se mettre en binôme, ce qui me gonfle au plus haut point: l'idée de bosser avec un de ces connards en gilet vert me parait inconcevable.
Finalement j'ai de la chance, je serai le seul à travailler avec une intérimaire, un peu plus jeune que moi, plutôt mignonne et assez rigolote de surcroît. Par la suite, tout se passe pour le mieux, on se raconte de plus en plus de blagues, ayant éradiqué dés la première seconde la légère timidité du premier contact. Je monte sur des echelles qui vont jusqu'au plafond pour compter des trucs, je mange un petit pain tranquille, ce genre de choses. On va très vite et on bosse vraiment bien, à ma grande surprise.

L'heure arrivée, on sort. C'est incroyable de voir à quel point ce que tu ressens pour une personne peut changer d'un moment à l'autre. J'ai eu d'un coup l'impression que je me rattachais à elle et à sa gentillesse pendant l'inventaire, tel le naufragé à une bouée et qu'une fois sur la terre ferme, je jetais ma bouée comme une merde (pire métaphore du monde). Je pense à tous ces mecs des real tvs, qui pleurent les départs de leurs compagnons et qui n'en ont plus rien à foutre une fois qu'ils sont sortis. On se dit au revoir normalement, plus de blague, plus d'echelle, plus de petit pain.
Juste l'envie de partir le plus vite possible.

Klaxons - Golden Skans
Gwen Stefani - Yummy

4.12.06

Gérard Darmon c'est le R Kelly français




Dimanche matin, je me réveille naturellement, la lumière diffuse qui sort du store est magnifique et pour la première fois depuis mon retour, je regrette d'avoir laissé mon appareil photo provisoirement à Paris, faute de place dans les sacs. Tout était parfait, les yeux encore mi-clos et le soleil filtré. Je m'étire, me réveille, me rendors. Schéma classique.
A mon second réveil, la lumière est grise, dimanche après-midi de pluie. J'entends des enfants courir dans la maison et Je m'entends dire "ah putain, j'avais oublié les invités". Les bruits de portes qui claquent, les monologues, les rires, les acclamations.

Deux choix:

1. Aller se doucher, se laver les dents, s'habiller, aller les saluer directement.
2. Rester dans le lit et trouver un truc à faire.

Etudions ainsi la première possilité:
Aller les saluer au réveil, ça veut dire supporter des cris d'enfants, sourire hypocritement (je ne les connais pas du tout et je ne vois pas pourquoi je serai super heureux de les recontrer), parler de n'importe quoi avec les mères de famille qui découvre enfin le second fils de leur amie, reculer vers la porte à chaque blanc pour finalement partir au bout de 20 minutes, pretextant un coup de téléphone très urgent à passer (ou autre chose: une faim de loup avec la main sur l'estomac et aller manger, attendre le gros bruit d'un gosse qui aurait sauté un peu fort par terre et aller voir s'il ne s'est pas fait mal -> puis fuire, etc. J'avais pas vraiment cherché sur le moment).

Pas trop tentant en somme.
Je reste donc dans le lit. L'autobiographie de Wolfgang Flür à coté de moi. Je lis pendant 4 heures en écoutant Kraftwerk.

Parenthèse: Ca peut paraitre super débile d'écouter le groupe d'un gars dont je lis au même moment l'autobiographie mais c'est une sensation réconfortante qu'on aime tous je pense. D'ailleurs il y a pleins de gestes qui se rapportent à ça: quand vous envoyez une photo à quelqu'un par msn et qu'il l'a reçoit, vous l'ouvrez en même temps non? Et bien c'est la même chose: se sentir en adéquation avec un élément.

Je lis pendant 4 heures, sans m'arrêter.
Je relève la tête et pendant une fraction de seconde, je ne sais plus où je suis tant j'ai assimilé des particularités propres à l'Allemagne pendant ce temps. 17h, les enfants courent toujours et il est temps d'aller dire bonjour.
Normalement dans ces cas j'arrive à faire bonne impression. Je rigole aux blagues, je souris, je fais le mignon et voilà, l'affaire est dans le sac (c'est d'ailleurs pour ça que les mères de mes amis m'aiment bien généralement).
Là je suis tellement hypnotisé par la mélodie de Computer Love que je n'y arrive pas. Une poignée de main hésitante, un bonjour de la main à une jeune maman qui porte son bébé, une petite poignée de main à un petit garçon et je vois une petite fille à coté.
Elle doit avoir 10 ans, j'en sais rien, mais son regard est d'un bleu incroyable et elle a un air tellement triste que c'en est effrayant. J'avais oublié la douceur des bises d'une enfant, elle me dit timidement "bonjour" et j'ai envie de la serrer dans mes bras pour la réconforter tellement elle est mal à l'aise.
Pris d'un drôle de sentiment, je m'en vais de cette pièce avec un sourire général adressé aux jurés.

Je me renfonce finalement dans le lit pour continuer à lire et je n'en sortirai que bien plus tard pour regarder Hollywood Ending. J'en sors heureux et détendu, comme un réveil normal d'un dimanche matin, sans bruit de porte qui claque, sans monologue, sans rire, sans acclamation.

Pixies - Monkey Gone To Heaven
Kraftwerk - Tanzmusik

Et je vous conseille en même temps de regarder le premier passage télé de Kraftwerk avec Wolfgang avec ce même Tanzmusik et d'admirer au passage la batterie faite main.