30.10.08




Aujourd'hui, j'ai travaillé toute la journée. Je vous entends déjà souffler de dépit "c'est quoi cette intro de merde" "pfff mais on s'en fout ta gueule" "il a que ça à raconter ce mongole" mais detrompez-vous, c'est très intéressant. À vrai dire, pas du tout, mais faut bien commencer par quelque chose.
Donc j'ai travaillé toute la journée (vos gueules) et, fusionnant ces deux sentiments profonds que sont la lassitude et le bonheur (la lassiteure) je suis rentré chez moi tranquillement en bus. Cette lassiteure était tellement forte que j'ai à peine réagi sur le mec debout à coté de moi qui puait trop.

Interlude:
Des gens puent, ça arrive, ils y peuvent parfois rien. Dans ce cas, je ne dis rien.
Quand ils puent et que c'est abusé et que tu sais que c'est pas une odeur corporelle "naturelle" mais un truc modifiable - si je puis m'exprimer ainsi - par le savon, là ça me saoule.
Donc ouais, ce mec sentait vraiment mauvais, genre le rance, quelque chose qui est enfermé depuis des années, mélangé à, je sais pas, un port de pêche. EN GROS QUOI, POUR IMAGER LA SCÈNE.

On reprend.
La tête posée contre la vitre, j'écoute The Very Best (comme tout le temps en ce moment). Dans mon esprit, c'est l'Afrique au grand jour. C'est la danse, le soleil, le mil et les popotames. Et tout ce monde dans le bus n'y change rien, tout va bien. On est ballotés, de gauche à droite dans les ronds points et on entends presque des petits faire "oooooolé" comme dans les bateaux pirates des parc d'attractions.
Il pleut, il fait noir mais je fais que sourire. Toujours The Very Best et toujours l'Afrique.

Dieu semble m'entendre et décide de me faire un petit clin d'œil. À l'arrêt juste après montent une dizaine d'africains avec tout plein de bordel. Des cartons des poussettes des sachets de partout. Le bus est déjà plein mais bizarrement, tout le monde s'en fout et personne ne grogne dans son coin. Un petit s'asseoit près de moi, j'ai envie de lui dire de venir sur mes genoux pour que sa mère vienne à coté. J'ai aussi envie d'être son grand frère et de jouer au foot avec lui, ou de lui apprendre à faire des grimaces, mais je ne ferai rien, bien entendu.

C'est Chikondi qui passe et tout s'adoucit. Les sourires dents blanches sont au ralenti et les enfants regardent dehors avec fascination. Les réverbères s'alignent au loin, il est tard, je rentre chez moi et je souris toujours.

27.10.08

Aujourd'hui, j'ai vu un homme mourir

Et ce n'est pas une métaphore.

Il était là, entouré de pompiers, près de la rue du Bastard. Je suis du genre à m'arrêter pour voir ce qu'il se passe dans ces moments, mais là, je continue, préférant observer le regard des gens autour pour juger de la gravité - ou la non gravité exactement - de la situation. Des regards sombres, des mines graves et des coups d'oeils jetés aux voisins qui semblent signifier "ça craint".
Instinctivement, je m'arrête et me dirige. Je ne saurais vraiment pas expliquer pourquoi, j'y suis simplement allé.

Et cet homme, en ceinture Gucci, qui a fait une crise cardiaque. Tout va très très vite mais les choses semblent douces, presque belles. Il s'est pissé dessus et les pompiers posent des électrodes, le font sauter, massage cardiaque, de plus en plus fort.
Rien ne colle à la situation. Autour, des familles marchent, rigolent, n'ont pas vu ce qu'il se passait. Au magasin d'à coté, la vendeuse vient de vendre de la layette et accompagne sa cliente à la sortie en l'affranchissant de son plus beau sourire, sans rien voir non plus. J'écoute Funkadelic et le soleil brille, personne ne comprend vraiment la scène.
J'aimerais être Jack dans Lost, du type "je vais vous aider" et tout faire pour y arriver, mais face à cette situation, mon impuissance me dépasse.
Malgré tout ça, je reste serein. Je passe mon temps à me concentrer sur la personne, à me répéter inlassablement "réveille-toi" puis tourne les talons de la même façon dont je suis arrivé, instinctivement.

La question est posée: pourquoi ai-je été tellement serein justement, presque insensible, à cette scène?
Je savais que la situation craignait, que cet homme devant moi était en train de mourir et, rien. L'espace d'un instant, j'étais Meursault dans L'étranger, dans une totale torpeur, indifférent, mécanique. Lorsque j'y repense, des remords me parviennent, bien sûr, mais ils restent très modérés.
Ca n'a rien à voir avec un changement radical de personnalité, mais j'ai l'impression qu'il y a une relativisation, une acceptation et une habitude derrière tout ça, ce qui m'inquiète beaucoup.

Lorsque j'y repasse une vingtaine de minutes après, les pompiers sont autour et ne font plus rien, un autre pose un drap blanc sur le monsieur. Un flic regarde au loin en fumant une cigarette, il est mort, la layette se vend toujours.

26.10.08

My little tomato

13.10.08

Étant donné que Guillaume Depardieu est mort

Je lui rend l'hommage le plus sincère que je puisse lui faire.
Il a dit, dans un film dont je tairai le nom (non par volonté, conviction ou confidentialité, mais simplement parce que je ne m'en souviens plus) qu'il pissait toujours dans le trou des toilettes parce que sinon, je cite, il "n'avait pas l'impression d'avoir pissé".
Depuis, à chaque fois, je dis bien À CHAQUE FOIS, que je fais pipou, je pense à cette phrase.

Guillaume, tu seras toujours dans le cœur des toilettes où j'irai.
Big up.

Quand il l'a rencontré et qu'ils se sont plu, beaucoup plu, il a commencé à mieux entendre, et dans ses yeux, les lignes du monde physique se sont précisées. Il est devenu plus intelligent, plus vif, et il s'est mis à imaginer ce qu'il allait accomplir de nouveau dans sa vie. Il a réfléchi à des activités qui, auparavant, lui paraissaient vaguement fascinantes mais qui tout à coup, lui semblaient urgentes, des activités qu'il devait, songeait-il, pratiquer avec sa nouvelle compagne.

Dave Eggers Pourquoi Nous Avons Faim

10.10.08

Tranquille



Tu vois,

Je ne m'y attendais vraiment pas.
Rennes ne me plaisait pas, je n'y ressentais rien. Pas d'âme, pas de fond, pas de réelle intensité. Puis finalement, tout a commencé à s'assembler, d'un ordre très logique.
Il y a eu la rentrée tu sais, ces premières minutes où personne n'ose se regarder dans les yeux. Cette timidité presque ridicule avec laquelle j'ai pu m'amuser pour la première fois. Je ne sais pas ce que je cherchais à prouver, mais il y avait une volonté certaine d'afficher la couleur.
Et les minutes passaient, les heures défilaient et c'est l'observation qui primait. J'écoutais quasiment pas tu sais mec, je regardais les réactions, les tremblements, les styles, les coiffures les chaussures les accessoires.
Aucun préjugé, absolument aucun! Très bizarre cette sensation, comme si je me rendais compte pour la première fois depuis longtemps que j'avais réellement évolué. Comme si ça avait été un test et que je le passais tranquillement avec beaucoup de surprise.
Ce mec par exemple, avec des dreads! C'est mon meilleur pote et tout est très simple, très fluide, presque beau!

Par la suite, les groupes se dessinent, les personnalités se dévoilent un peu. Certaines que je sens bien, d'autres pas du tout.
On a eu cette chance d'avoir directement un bon groupe.
Tu sais comment ça s'passe, je vais pas te l'apprendre: à la rentrée tu traines un peu avec les premières personnes que tu trouves et il arrive souvent que, d'une malchance presque comique, tu te retrouves avec les pires personnes.
Mais là non, au contraire. Comme si tout était relié, connecté à la Petrelli en somme. Les premières blagues, les premiers petous, les premiers souffles coupés. Oui oui, souffle coupé. Attends je t'ai parlé de cette fille? Celle qui m'enchainait des références hallucinantes alors qu'à son âge je jouais encore dans mon caca? J'étais sidéré et je savais intérieurement que ça allait devenir une personne importante. Pas seulement pour cette raison non, également pour cette façon qu'elle a de parler, d'évoluer. Je lui avais mimé des courbes, pour la définir, ce qui l'avait surpris. Agréablement, j'ose espérer.
Tout se déroule naturellement tu vois ce que je veux dire? On se comprend au regard, on sait où ne pas déborder, où ne pas insister, on sait quoi dire pour réconforter.
Mec c'est Secret Story en quelques sorte. On est H24 ensemble, à se raconter nos vies, doucement, à dévoiler des bribes par ci par là. Puis le reste, les excès, les larmes, les confidences. Parfois je me vois comme un grand frère, mais ce sentiment est de moins en moins fréquent. Je suis simplement comme eux.

Eux ne savent presque rien de moi, mais je m'en réjouis. En un sens, j'ai toujours préféré écouter et comme ça, je reste encore un peu mystérieux hé!